Texte en vigueur

 

Protocole du Congrès de Vienne (territoire cédé au canton de Genève)
(PCVienne-1)

A 1 05

du 29 mars 1815 (a)

 

Les Puissances Alliées ayant témoigné le vif désir qu’il fut accordé quelques facilités au Canton de Genève, soit pour un désenclavement d’une partie de ses possessions, soit pour ses communications avec la Suisse.

Sa Majesté le Roi de Sardaigne étant empressée d’autre part de témoigner à ses Hauts et Puissants Alliés toute la satisfaction qu’Elle éprouve à faire quelque chose qui puisse leur être agréable, les Plénipotentiaires soussignés sont convenus de ce qui suit.

 

Article 1er.

Sa Majesté le Roi de Sardaigne met à la disposition des Hautes Puissances alliées la partie de la Savoye qui se trouve entre la rivière d’Arve, le Rhône, les limites de la partie de la Savoie occupée par la France, et la Montagne de Salève jusqu’à Veyry inclusivement, plus celle qui se trouve comprise entre la grande route dite du Simplon, le lac de Genève, et le territoire actuel du canton de Genève depuis Vezenas jusqu’au point où la rivière d’Hermance traverse la susdite route et de là continuant le cours de cette rivière jusqu’à son embouchure dans le lac de Genève au levant du village d’Hermance (la totalité de la route dite du Simplon continuant à être possédée par Sa Majesté le roi de Sardaigne), pour que ces pays soient réunis au canton de Genève, sauf à déterminer plus précisément la limite par des Commissaires respectifs, surtout pour ce qui concerne la délimitation en dessus de Veyry et sur la Montagne de Salève. Dans tous les lieux et territoires compris dans cette démarcation, Sa Majesté renonce pour Elle et ses sucesseurs à perpétuité à tous droits de souveraineté et autres qui peuvent Lui appartenir sans exceptions ni réserves.

 

Article 2.

Sa Majesté accorde la communication entre le canton de Genève et le Valais par la route dite du Simplon de la même manière que la France l’a accordée entre Genève et le pays de Vaud, par la route qui passe par Versoix. Sa Majesté accorde de même en tout tems une communication libre pour les milices genevoises, entre le terroire de Genève et le mandement de Jussi, et les facilités qui pourroient être nécessaires à l’occasion pour arriver par le lac, a la susdite route dite du Simplon.

 

Article 3.

D’autre part Sa Majesté ne pouvant se résoudre à consentir qu’une partie de son territoire soit réunie à un Etat où la Religion dominante est différente, sans procurer aux habitants du pays qu’Elle cède la certitude qu’ils jouiront du libre exercice de leur Religion, qu’ils continueront à avoir les moyens de fournir aux frais de leur Culte, et à jouir eux-mêmes de la plénitude des droits de Citoyens;

Il est convenu que

§ 1. La Religion Catholique sera maintenue et potégée de la même manière qu’elle l’est maintenant dans toutes les Communes cédées par Sa Majesté le Roi de Sardaigne, et qui seront réunies au Canton de Genève.

§ 2. Les Paroisses actuelles qui ne se trouveront ni démembrées ni séparées par la délimitation des nouvelles frontières, conserveront leurs circonscriptions actuelles, et seront desservies par le même nombre d’Ecclésiastiques et quant aux portions démembrées, qui seroient trop foibles pour constituer une Paroisse, on s’adressera à l’Evêque diocésain pour obtenir qu’elles soient annexées à quelqu’autre Paroisse du Canton de Genève.

§ 3. Dans les mêmes Communes cédées par Sa Majesté, si les habitans protestans n’égalent point en nombre les habitans Catholiques, les maîtres d’Ecole seront toujours Catholiques. Il ne sera établi aucun Temple protestant, à l’exception de la ville de Carouge qui pourra en avoir un.

§ 4. Les Officiers municipaux seront toujours, au moins pour les deux tiers, Catholiques, et spécialement sur les trois Individus qui occuperont les places de Maires et des deux Adjoints, il y en aura toujours deux Catholiques. En cas que le nombre des Protestans vint dans quelques Communes à égaler celui des Catholiques, l’égalité et l’alternative sera établie tant pour la formation du Conseil Municipal que pour celle de la Mairie. En ce cas cependant, il y aura toujours un Maître d’Ecole catholique, quand même on en établirait un Protestant. On n’entend pas par cet article empêcher que des Individus Protestans habitant une Commune Catholique ne puissent pas, s’ils le jugent à propos, y avoir une Chapelle particulière pour l’exercice de leur culte, établir à leurs frais, et y avoir également à leurs frais un Maître d’Ecole Protestant pour l’instruction de leurs enfans. Il ne sera point touché, soit pour les fonds et revenus, soit pour l’administration aux donations et fondations pieuses existantes, et on n’empêchera pas les particuliers d’en faire des nouvelles.

§ 5. Le Gouvernement fournira aux mêmes frais que fournit le Gouvernement actuel pour l’entretien des Ecclésiastiques et du Culte.

§ 6. L’Eglise Catholique actuellement existante à Genève, y sera maintenue telle qu’elle existe, à la charge de l’Etat, ainsi que les lois éventuelles de la Constitution l’avoient déjà décrété; le Curé sera logé et doté convenablement.

§ 7. Les Communes Catholiques et la Paroisse de Genève continueront à faire partie du Diocèse qui régira les provinces du Chablais et du Faucigny, sauf qu’il en soit réglé autrement par l’autorité du Saint Siège.

§ 8. Dans tous les cas, l’Evêque ne sera jamais troublé dans les visites Pastorales.

§ 9. Les habitans du territoire cédé sont pleinement assimilés, pour les droits civils et politiques, aux Genevois de la Ville; ils les exerceront concurremment avec eux, sauf la réserve des droits de propriété, de Cité ou de Commune.

§ 10. Les Enfans Catholiques seront admis dans les maisons d’éducation publique; l’enseignement de la Religion n’y aura pas lieu en commun, mais séparément, et on emploiera à cet effet, pour les Catholiques, des Ecclésiastiques de leur Communion.

§ 11. Les biens communaux ou propriétés appartenantes aux nouvelles communes leur seront conservés, et elles continueront à les administrer, comme par le passé, et à en employer les revenus à leur profit.

§ 12. Ces mêmes Communes ne seront point sujettes à des charges plus considérables que les anciennes Communes.

§ 13. Sa Majesté le Roi de Sardaigne se réserve de porter à la connaissance de la Diète Helvétique, et d’appuyer par le Canal de ses Agens diplomatiques auprès d’elle, toute réclamation à laquelle l’inexécution des articles ci-dessus pourroit donner lieu.

 

Art. 4

Tous les titres terriers et documens concernant les choses cédées, seront remis par Sa Majesté le Roi de Sardaigne au Canton de Genève, le plutôt que faire se pourra.

 

Art. 5

Le traité conclu à Turin le 3 du mois de Juin 1754, entre Sa Majesté le Roi de Sardaigne et la République de Genève, est maintenu pour tous les articles auxquels il n’est point dérogé par la présente transaction, mais Sa Majesté voulant donner au Canton de Genève une preuve particulière de sa bienveillance, consent néanmoins à annuler la partie de l’article 13 du susdit traité qui interdisoit aux Citoyens de Genève qui se trouvoient dès lors avoir des maisons et biens situés en Savoie, la faculté d’y faire leur habitation principale.

 

Article 6

Sa Majesté consent par les mêmes motifs à prendre des arrangements avec le Canton de Genève pour faciliter la sortie de ses états, des denrées destinées à la consommation de la Ville et du Canton.

 

Vienne, 26 Mars 1815.

Signé : de St. MARSAN.

 

Approuvé dans la séance du 29 mars 1815 par Messieurs les Plénipotentiaires des Puissances signataires du Traité de Paris.

(Accepté par le Conseil représentatif et souverain du canton de Genève le 8 juillet 1815.)

(Accepté par la Diète de la Confédération suisse le 12 août 1815.)

 

RSG                             Intitulé

Date d'adoption

Entrée en vigueur

A 1 05         Protocole du Congrès de Vienne (territoire cédé au canton de Genève)

29.03.1815

Modification et commentaire :

 

 

  a.  La présentation et l’orthographe de ce texte sont rigoureusement conformes au document déposé aux Archives d’Etat de Genève