Texte en vigueur

Nouvelle loi

 

Loi sur la médiation
(LMédiation)

E 6 25

du 27 janvier 2023

(Entrée en vigueur : 1er juin 2023)

 

Le GRAND CONSEIL de la République et canton de Genève,

vu l’article 120 de la constitution de la République et canton de Genève, du 14 octobre 2012,

décrète ce qui suit :

 

Chapitre I        Principes

 

Art. 1        Buts

1 La présente loi a pour but de promouvoir le recours à la médiation afin de contribuer à la paix sociale et de limiter la judiciarisation des rapports sociaux.

2 Elle réglemente en outre la fonction de médiatrice et de médiateur assermenté dans le cadre de la présente loi.

 

Art. 2(a)      Moyens

1 L’Etat informe le public et veille à la sensibilisation et à la formation des personnes actives dans la prévention et le règlement des litiges.

2 Il favorise le développement d’une offre variée et cohérente en matière de règlement amiable des litiges.

3 Il peut soutenir financièrement le recours à la médiation.

4 Il favorise la collecte de données statistiques en matière de médiation.

 

Art. 3(a)      Champ d’application

1 La présente loi ne s’applique pas à la médiation administrative régie par la loi sur la médiation administrative, du 17 avril 2015, et par les dispositions légales instaurant d’autres dispositifs de médiation.

2 Le chapitre III de la présente loi ne s’applique pas aux différends survenant dans une procédure administrative entre une administrée ou un administré et une autorité administrative au sens de l’article 5 de la loi sur la procédure administrative, du 12 septembre 1985.

 

Chapitre II       Médiatrices et médiateurs assermentés

 

Art. 4        Assermentation

L’exercice de la fonction de médiatrice ou de médiateur assermenté est subordonné à une assermentation par-devant le Conseil d’Etat.

 

Art. 5        Conditions d’exercice

Peuvent être assermentées pour la pratique de la médiation les personnes qui remplissent les conditions suivantes :

a)  être au bénéfice d’un diplôme universitaire ou d’une formation jugée équivalente;

b)  disposer d’une expérience professionnelle utile à la fonction d’au moins 5 ans;

c)  attester d’une formation certifiée reconnue par la commission de médiation visée à l’article 6;

d)  être accréditées par une association professionnelle en lien avec la médiation reconnue par la commission de médiation visée à l’article 6, en application des critères fixés par le Conseil d’Etat;

e)  ne faire l’objet d’aucune inscription au casier judiciaire pour une infraction portant atteinte à la probité et à l’honneur;

f)   ne pas avoir fait l’objet d’une radiation définitive au sens de l’article 11, alinéa 2, lettre e;

g)  être domiciliées en Suisse ou avoir un rattachement professionnel dans le canton de Genève;

h)  pratiquer la médiation dans le canton de Genève;

i)   répondre aux exigences supplémentaires que peut fixer le Conseil d’Etat en lien avec les domaines de spécialisation.

 

Art. 6        Composition de la commission de médiation

Le Conseil d’Etat instaure une commission de médiation, rattachée administrativement au département chargé de la sécurité, composée :

a)  d’une personne représentant le département chargé de la sécurité, désignée par le Conseil d’Etat, qui la préside;

b)  de 2 magistrates ou magistrats titulaires ou anciennes magistrates ou anciens magistrats titulaires du pouvoir judiciaire, désignés par la commission de gestion du pouvoir judiciaire;

c)  de 4 médiatrices et médiateurs assermentés, dont 2 sont également avocates ou avocats, désignés par le Conseil d’Etat. Le mandat est renouvelable une seule fois.

 

Art. 7        Compétences de la commission de médiation

1 La commission de médiation :

a)  désigne les associations de médiation reconnues par le canton de Genève;

b)  autorise ou refuse l’inscription au tableau des médiatrices et médiateurs;

c)  procède aux inscriptions et mises à jour de ce tableau;

d)  donne un préavis au Conseil d’Etat sur les règles de déontologie et le processus de médiation figurant dans le règlement visé à l’article 15;

e)  informe les médiatrices et médiateurs assermentés de ces règles et processus;

f)   surveille la conformité de l’activité des médiatrices et médiateurs à leur serment et aux règles de déontologie;

g)  examine, d’office ou sur dénonciation, les faits pouvant constituer un manquement aux obligations légales, réglementaires ou déontologiques applicables aux médiatrices et médiateurs;

h)  prononce les sanctions disciplinaires prévues aux articles 11, alinéa 2, lettres a à c, respectivement donne un préavis au Conseil d’Etat lorsque la sanction envisagée est la radiation provisoire ou définitive au sens de l’article 11, alinéa 2, lettres d et e.

2 Lors d’une demande d’inscription, la commission de médiation examine si la candidate ou le candidat remplit les conditions énumérées à l’article 5. Si nécessaire, elle entend l’intéressée ou l’intéressé.

3 Dans les limites du règlement visé à l’article 15, la commission arrête son organisation.

 

Art. 8        Serment

Avant d’entrer en fonction, les médiatrices et médiateurs font devant le Conseil d’Etat le serment ou la promesse suivant :

     « Je jure ou je promets solennellement :

     d’exercer ma mission dans le respect des lois, avec honneur, compétence et humanité;

     de sauvegarder l’indépendance inhérente à ma mission;

     de n’exercer aucune pression sur les personnes en litige afin d’obtenir leur adhésion à une entente qui ne serait pas librement négociée;

     de veiller à ce que les personnes en litige concluent une entente libre et réfléchie;

     de ne plus intervenir d’aucune manière dans la procédure une fois ma mission achevée;

     de préserver le caractère secret de la médiation;

     de respecter les règles de déontologie édictées par le Conseil d’Etat. »

 

Art. 9        Indépendance, neutralité et impartialité

1 Les médiatrices et médiateurs exercent leurs fonctions en toute indépendance, neutralité et impartialité.

2 Elles et ils doivent se récuser si l’une des causes prévues aux articles 15 et 15A de la loi sur la procédure administrative, du 12 septembre 1985, est réalisée, à moins que toutes les parties, dûment informées, consentent expressément à ce que la médiation ait lieu.

 

Art. 10      Secret de la médiation

1 Les médiatrices et médiateurs sont tenus de garder le secret sur les faits dont elles ou ils ont eu connaissance dans l’exercice de la médiation et sur les opérations auxquelles elles ou ils ont procédé, participé ou assisté. Cette obligation subsiste alors même qu’elles ou ils n’exercent plus la fonction de médiatrice ou de médiateur.

2 Quelle que soit l’issue de la médiation, aucune partie ne peut se prévaloir, en cas de procès, de ce qui a été déclaré devant la médiatrice ou le médiateur. La médiatrice ou le médiateur veille à attirer l’attention des personnes en litige sur cette obligation et l’intègre dans une convention si celle-ci est établie.

3 L’apport du dossier de la médiatrice ou du médiateur dans une procédure administrative ou judiciaire est exclu.

 

Art. 11      Sanctions disciplinaires

1 En cas de manquement aux dispositions du présent chapitre ou aux règles déontologiques qui leur sont applicables, les médiatrices et médiateurs peuvent faire l’objet de sanctions disciplinaires.

2 Les sanctions peuvent consister, selon la gravité du manquement, en :

a)  un avertissement;

b)  un blâme;

c)  une amende jusqu’à 20 000 francs;

d)  une radiation provisoire pour 1 an ou plus;

e)  une radiation définitive.

3 Les sanctions prévues aux lettres d et e de l’alinéa précédent peuvent être cumulées avec l’amende prévue à la lettre c de ce même alinéa.

4 La commission de médiation est compétente pour prononcer un avertissement, un blâme ou une amende.

5 Le Conseil d’Etat est compétent pour prononcer la radiation provisoire ou définitive.

6 La responsabilité disciplinaire se prescrit par 7 ans à compter de la commission des faits incriminés.

 

Art. 12      Mesures

Outre les radiations disciplinaires prononcées par le Conseil d’Etat, la commission de médiation peut radier les médiatrices et médiateurs qui :

a)  ne remplissent pas ou ne remplissent plus les conditions énumérées à l’article 5;

b)  sont incapables d’exercer leur fonction notamment en raison de leur état de santé.

 

Art. 13      Dénonciation et information

1 Une magistrate ou un magistrat du pouvoir judiciaire, tout membre d’une entité étatique pouvant encourager le recours à la médiation ou la commission de pilotage, constatant un comportement d’une médiatrice ou d’un médiateur assermenté susceptible d’être contraire au droit ou aux règles de déontologie, peut dénoncer la situation à la commission de médiation.

2 La dénonciatrice ou le dénonciateur est informé de manière appropriée du traitement de sa dénonciation par la commission de médiation. Cette dernière peut l’informer du résultat de la procédure en tenant compte de tous les intérêts publics et privés en présence.

3 La commission de médiation peut en outre informer la commission de pilotage du résultat de la procédure, en tenant compte de tous les intérêts publics et privés en présence.

 

Art. 14      Tableau

1 La commission de médiation dresse et tient à jour un tableau des médiatrices et médiateurs assermentés.

2 Le cas échéant, le tableau mentionne les domaines de spécialisation des médiatrices et médiateurs fixés par le Conseil d’Etat.

 

Art. 15      Dispositions d’exécution

Le Conseil d’Etat édicte les dispositions réglementaires nécessaires à l’exécution du présent chapitre.

 

Chapitre III      Dispositif d’encouragement à la médiation rattaché au pouvoir judiciaire

 

Section 1            Organisation

 

Art. 16(a)    Rattachement

Le pouvoir judiciaire instaure un dispositif d’encouragement à la médiation et lui fournit l’appui administratif, financier et logistique nécessaire.

 

Art. 17(a)    Bureau de la médiation

1 Il est institué un bureau de la médiation qui :

a)  promeut la médiation auprès du public par une information complète sur ce mode de règlement amiable des litiges, en particulier ses caractéristiques, avantages et limites;

b)  favorise la diffusion d’une information cohérente par l’ensemble des milieux actifs dans le domaine de la prévention et du règlement des litiges;

c)  promeut la sensibilisation et la formation en matière de médiation et collabore avec les organes chargés de la formation des magistrates et magistrats, avocates et avocats ou médiatrices et médiateurs;

d)  aide les personnes en litige, qu’une procédure judiciaire soit pendante ou non, à leur demande ou sur conseil ou exhortation d’une magistrate ou d’un magistrat, à initier une médiation;

e)  informe l’autorité judiciaire saisie, lorsqu’une procédure est pendante, de l’entrée des parties en médiation et de l’issue de la médiation;

f)   octroie l’aide financière prévue par la présente loi;

g)  tient des statistiques portant sur son activité et le recours à la médiation;

h)  propose toute évolution utile à l’amélioration du dispositif d’encouragement à la médiation.

2 Le bureau de la médiation est composé de médiatrices et médiateurs assermentés et particulièrement expérimentés. Elles et ils perçoivent une indemnité dont le montant est déterminé par voie réglementaire.

 

Art. 18      Commission de pilotage

1 Le pilotage du dispositif d’encouragement à la médiation est confié à une commission composée :

a)  de 3 magistrates ou magistrats désignés par la commission de gestion du pouvoir judiciaire et de la secrétaire générale ou du secrétaire général du pouvoir judiciaire, qui la préside;

b)  de 2 avocates et avocats élus par les avocates et avocats inscrits au registre cantonal;

c)  de 2 médiatrices et médiateurs désignés par la commission de médiation.

2 La commission de pilotage :

a)  désigne les membres du bureau de la médiation;

b)  suit l’évolution des indicateurs et statistiques, ainsi que l’utilisation des moyens financiers alloués au dispositif d’encouragement à la médiation;(a)

c)  identifie les difficultés rencontrées par le bureau de la médiation et propose toute mesure correctrice utile;(a)

d)  propose toute mesure d’amélioration, y compris en matière de sensibilisation et de formation des magistrates et des magistrats, des avocates et des avocats et des médiatrices et des médiateurs;(a)

e)  adresse un rapport annuel au Grand Conseil et à la commission de gestion du pouvoir judiciaire.(a)

3 Dans les limites du règlement visé à l’article 23, la commission arrête son organisation.(a)

 

Section 2            Mesures financières incitatives

 

Art. 19(a)    Séances de médiation

1 Les personnes en litige peuvent solliciter du bureau de la médiation la prise en charge financière d’une médiation.

2 Celle-ci est accordée aux conditions suivantes :

a)  la volonté réciproque et concordante des personnes concernées d’entrer en médiation;

b)  le recours à une médiatrice ou un médiateur assermenté;

c)  le conflit présente un rattachement suffisant avec le canton de Genève.

3 L’indemnité versée à la médiatrice ou au médiateur couvre en principe une activité de 7,5 heures de séance au maximum.

4 Le bureau de la médiation peut toutefois renouveler la prise en charge aux mêmes conditions, à trois reprises au maximum, lorsque les circonstances le justifient.

5 Le tarif horaire applicable est déterminé par voie réglementaire.

6 La médiatrice ou le médiateur ne peut facturer aux parties ni provisions ni honoraires. Elle ou il peut, en revanche, facturer des débours, avec l’accord préalable des parties.

 

Art. 20(a)    Co-médiations

1 Lorsque des circonstances particulières le justifient, le bureau de la médiation peut également, sur demande des parties et de la médiatrice ou du médiateur mis en œuvre, décider la prise en charge financière de l’activité d’une co-médiatrice ou d’un co-médiateur.

2 La prise en charge est régie par l’article 19.

 

Art. 21(a)    Honoraires d’avocate et d’avocat

1 Le bureau de la médiation accorde, sur demande de la partie concernée, la prise en charge financière partielle des honoraires de son avocate ou de son avocat, pour favoriser l’entrée en médiation.

2 Le tarif horaire applicable est fixé par voie réglementaire.

3 L’indemnité couvre 2,5 heures au maximum, l’octroi de l’assistance juridique étant réservé pour le surplus.

 

Art. 22(a)    Conseil juridique

1 Le bureau de la médiation peut autoriser, sur demande préalable de la médiatrice ou du médiateur, la prise en charge financière d’un avis de droit.

2 Il applique le tarif fixé par voie réglementaire.

3 L’indemnité couvre 3 heures au maximum.

 

Art. 23(a)    Dispositions d’exécution

La commission de gestion du pouvoir judiciaire édicte les dispositions d’exécution du présent chapitre.

 

Chapitre IV      Dispositions finales et transitoires

 

Art. 24(a)    Contrôle externe

1 La Cour des comptes contrôle le dispositif d’encouragement à la médiation prévu au chapitre III après une durée de 5 ans dès l’entrée en vigueur de la présente loi.

2 Elle contrôle, notamment, les ressources mobilisées et les actions mises en œuvre afin de promouvoir la médiation ainsi que l’impact du dispositif sur le recours à la médiation.

 

Art. 25      Inscription au tableau des médiatrices et médiateurs assermentés

1 Le tableau des médiatrices et médiateurs assermentés prévu par l’article 74 de la loi sur l’organisation judiciaire, du 26 septembre 2010, avant l’entrée en vigueur de la présente loi est maintenu pendant 12 mois.

2 Dans les 3 mois suivant l’entrée en vigueur de la présente loi, les personnes figurant sur le tableau des médiatrices et médiateurs assermentés prévu par l’article 74 de la loi sur l’organisation judiciaire, du 26 septembre 2010, avant l’entrée en vigueur de la présente loi souhaitant être inscrites au tableau des médiatrices et des médiateurs prévu à l’article 14 de la présente loi doivent fournir toutes pièces justificatives utiles à la commission de médiation démontrant qu’elles satisfont aux conditions prévues aux lettres c, d, e, g, h et i de l’article 5.

3 La commission de médiation examine ces situations et statue sur l’inscription au tableau avant l’échéance prévue à l’alinéa 1.

4 Le Conseil d’Etat fixe par voie réglementaire les dispositions transitoires relatives aux domaines de spécialisation.

 

Art. 26      Application de l’ancien droit

1 Les procédures disciplinaires en cours soit devant la commission de préavis, soit devant le Conseil d’Etat en application des articles 68, alinéa 2, et 72 de la loi sur l’organisation judiciaire, du 26 septembre 2010, avant l’entrée en vigueur de la présente loi sont régies par l’ancien droit jusqu’à la décision rendue par le Conseil d’Etat.

2 Les procédures disciplinaires en cours devant la commission de préavis sont reprises par la commission de médiation.

3 Les demandes d’inscription au tableau en cours d’examen devant la commission de préavis en application de l’article 68, alinéa 3, de la loi sur l’organisation judiciaire, du 26 septembre 2010, avant l’entrée en vigueur de la présente loi seront reprises par la commission de médiation qui examinera si la candidate ou le candidat remplit les conditions énumérées à l’article 5 de la présente loi et qui statuera.

 

Art. 27      Composition de la commission de médiation

1 Les membres de la commission de préavis instituée par l’article 68 de la loi sur l’organisation judiciaire, du 26 septembre 2010, avant l’entrée en vigueur de la présente loi poursuivent leur mandat en cours au sein de la commission de médiation jusqu’au prochain renouvellement mais au maximum pendant 12 mois.

2 A son échéance, le mandat des médiatrices et médiateurs peut être renouvelé une seule fois pour la commission de médiation.

 

Art. 28      Entrée en vigueur

Le Conseil d’Etat fixe la date d’entrée en vigueur de la présente loi.

 

RSG                     Intitulé

Date d'adoption

Entrée en vigueur

E 6 25      L sur la médiation

27.01.2023

01.06.2023

Modification et commentaire :

 

 

  a. ad 2, 3, 16, 17, 18/2b, 18/2c, 18/2d, 18/2e, 18/3, 19, 20, 21, 22, 23, 24 : (autre date d’entrée en vigueur)

27.01.2023

01.01.2024